dimanche 6 janvier 2019

L'ombre d'Emily de Darcey Bell



J'ai rencontré ce livre totalement par hasard (oui, moi je rencontre les livres comme je rencontre des gens) au détour d'un rayon. La raison pour laquelle il m'a attirée est simple : j'avais initialement envie de voir le film. Ce dernier est sorti en septembre et finalement, je ne l'avais pas encore regardé. Comme on dit souvent que les livres sont meilleurs que les films (bien que ça soit une généralité) j'ai voulu le tester avant de jeter mon dévolu sur la version cinématographique. Et croyez-moi, amateurs de thriller, ça valait plutôt le détour!

Mais vous allez bientôt commencer à me connaitre : j'ai toujours des trucs à redire sur ce que je lis. Alors cette fois encore, je ne vais pas me gêner, que ce soit du positif ou du négatif.

On va d'abord procéder à la rédaction d'un morceau brumeux et général, comme dans tout bon thriller, puis passer aux révélations. J'indiquerai encore une fois par la mention "SPOILER ALERT" quand je passerai au vif du sujet. Je tiens à préciser que si je fais cela, c'est parce que j'ai envie de vous donner mon avis sur toutes les dimensions du livre et surtout, d'en discuter avec vous en commentaire. Vous donner envie de rencontrer un livre c'est bien, en débattre ensuite c'est mieux.

1) La richesse des points de vue : Le premier point très positif à mon goût, c'est la multiplicité des points de vue au fil des chapitres. Il existe dans ce livre une alternance entre plusieurs narrateurs/personnages qui ne sont autres qu'Emily, Stephanie et le mari d'Emily. Cela me plaît beaucoup, d'autant plus que le style d'écriture changeait en fonction du narrateur. Le plus intéressant à mes yeux reste l'alternance blog de Stephanie/ses pensées réelles. On peut ainsi observer le fossé qu'il existe entre ce que l'on veut bien montrer et la réalité à l'état pur. Le tout était très cohérent et a permis, peu à peu, de reconstituer les pièces du puzzle.

2) L'art de distiller les détails : Ce livre nous abreuve petit à petit de preuves pour étayer nos hypothèses et tout est savamment orchestré. J'ai peut-être un petit regret concernant le moment de vérité. J'appelle "moment de vérité" l'instant où l'on nous révèle les réelles intentions des personnages pendant que certains d'entre eux sont encore naïfs. Si je me souviens bien, c'est quand même dès la moitié du livre que l'on sait la vérité sur la disparition d'Emily (raisons et flashbacks inclus). Je trouve ça un peu tôt. Cela dit, ça renforçait le côté voyeur du lecteur, qui sait tout alors que les acteurs du récit ne savent rien de ce qui va leur tomber sur la tête. C'est assez satisfaisant en un sens.

3) L'importance de la chute : la chute dans le livre n'intervient pas tout à fait, dans la mesure où l'on a déjà découvert le pot-aux-roses très tôt. J'étais assez déçue de la fin qui n'est pas une vraie fin en soi. En somme, on laisse les choses en suspens et je n'aime pas ça du tout. Je trouve que la fin du film est beaucoup plus claire et marquée, donc je l'ai préférée. Mais là encore c'est une question de goût, si vous préférez les fins ouvertes vous allez être servis.


🔺SPOILER ALERT 🔺

- Un thème bateau qui devient génial : On est d'accord, l'arnaque à l'assurance vie, c'est quand même un sujet hyper bateau, un motif de crime basique, que ce soit dans la fiction ou dans la réalité. Et pourtant, j'ai adoré ce livre. D'abord pour la psychologie des personnages et les apparences trompeuses. Par exemple, on admire Emily pour sa présence, sa classe et sa vie "parfaite" alors qu'en réalité elle s'ennuie à mourir et est "légèrement" dérangée. On a un peu pitié de Stephanie, si naïve et fragile alors que, pour vrai, elle trompait son mari avec son demi-frère qui est, en plus, le père de son fils! Je veux dire, tous les personnages, même ceux qui paraissent les plus lisses, ont des zones d'ombres plus ou moins visibles et ça, j'adore. Enfin, le décor et l'histoire créés autour participent à l'efficacité de ce thriller. D'un point central cliché (arnaque à l'assurance) nous passons au grandiose grâce à tout ce que l'auteure a fabriqué autour. C'est du génie.

- L'adaptation cinématographique : Alors ça, c'est la première fois que ça m'arrive. Je suis un peu du genre rigide dans la vie. Si une adaptation ciné n'est pas totalement fidèle à un bouquin je m'insurge, je boycotte, je pète un câble dans mon coin... Je suis faible. Eh bien là, contre toute attente, j'ai adoré le fait que ça ne soit pas pareil du tout. Enfin, le fond est identique, les personnages fidèles, les dialogues ressemblants. Mais toutes les scènes ajoutées, tous les moments retirés ou modifiés étaient utiles et intéressants. Je ne me suis pas ennuyée du tout pendant le visionnage de ce film parce qu'il restait une grosse part de surprise avec toutes ces modifications apportées. J'ai en particulier adoré le traitement du personnage d'Emily. Elle est assez différente dans le film, à la fois plus cinglée sur certains aspects (je tue sciemment et de mes mains ma sœur au calme) et plus soft sur d'autres (je ne tue pas le mec de l'assurance faut pas abuser). De plus, la fin du film est un enchevêtrement de retournements de situation. Les scénaristes m'ont baladé dans tous les sens et j'adore ça. Je crois que j'aime bien être perdue dans les récits. Et puis, cette fois, la fin est une vraie fin. J'avais besoin de ce point final pour me défaire de cette histoire et passer à la suivante...


Bon, j'espère que ma critique vous aura donné envie de découvrir le livre ou le film et, si vous les connaissez déjà, n'hésitez pas à me faire part de votre avis en commentaire!


Bisous, Poppy.



A Simple Favor / L'ombre d'Emily (précédemment publié sous le titre Disparue) par Darcey Bell
Pocket - 2018 pour la présente édition
Traduction de l'anglais par Claire Desserrey

dimanche 30 décembre 2018

The Hate You Give par Angie Thomas



C'était début décembre, sur le stand Nathan au Festival de Littérature Jeunesse de Rouen. J'ai été attirée par sa couverture, je dois bien l'admettre. A tous ceux qui osent me dire qu'on ne juge pas un livre à sa couverture: vous êtes des menteurs. Le premier contact est souvent visuel. C'est ce qui s'est passé pour ce roman YA. Le titre m'a inspiré, d'autant plus quand j'en ai vraiment compris la signification en lisant le récit. Je me suis aussi bêtement laissé avoir par la mini-critique de John Green, je l'admet. Je suis un mouton. Enfin, parfois.

Je m'attendais, après lecture de la 4ème de couverture, à beaucoup de violence (gangs, drogues), à pleurer (il faut dire qu'avec moi ce n'est pas bien compliqué) et à un certain doigt levé en regard des bavures policières. J'ai eu un peu de tout ça, du coup sur ce point, l'horizon d'attente créé par le résumé était en cohérence avec le livre. Un bon point.

Globalement, j'ai aimé ce livre. Il était bien ficelé, les thèmes abordés passionnants... Mais j'ai quand même un tas de choses à dire, avec ou sans spoiler. Donc, quand je commencerai à révéler certaines choses que vous ne voulez pas forcément savoir si vous n'avez pas lu le livre, j'indiquerai en rouge "SPOILER ALERT". Je pense qu'il en sera ainsi pour toutes les chroniques à venir.

1) L'écriture : Elle a été problématique pour moi. Le style était très familier (ce à quoi il fallait s'attendre) mais ça ne m'a pas convenu, simplement parce que j'aime plutôt les livres écrits dans un langage courant à soutenu. Je trouve que les expressions argotiques étaient parfois assez artificielles et exagérées. On aurait dit ma grand-mère qui essaie de s'exprimer comme les gamins de l'immeuble d'en face. Ça en devenait parfois ridicule. Néanmoins, ça m'a mené à m'interroger sur la qualité de la traduction. Je pense qu'il y a eu quelques écueils. Je ne peux pas en attester n'ayant pas lu la version originale donc je n'ai plus qu'à fermer mon clapet.

2) La mort de Khalil : Étrangement, elle ne m'a arraché aucune larme, ce qui relève de l'exploit avec mon petit cœur tout mou (argh sors de ce corps Olivia!). J'imagine que le fait qu'elle soit racontée de façon aussi neutre, impersonnelle et rapide servait à montrer la sidération du personnage principal. Mais du coup, ça m'a presque fait ni chaud ni froid. Heureusement j'ai eu mon lot de larmes plus tard lors des nombreux flashbacks que contient le récit. Ouf, le business des marchands de mouchoirs est sauvé. D'ailleurs, j'ai adoré le fait que la construction des personnages se fasse au fur et à mesure de l'histoire. Avec le temps, les bouquins qui mettent 115 ans à planter le décor avant que les choses sérieuses commence, ça me fatigue (j'ai pas votre temps moi, monsieur l'écrivain!).

Avant de passer au débat avec spoiler, je tiens à dire que j'ai beaucoup aimé la façon dont le racisme et les préjugés étaient abordés. En fait, pour schématiser grossièrement, on nous montre que "les blancs" ont une image des "noirs" et que "les noirs" ont une image des "blancs" qui est erronée. Vous allez me dire que c'est évident et logique mais j'ai aimé que, sur ce point en tous cas, le livre ne soit pas un parti-pris. Les préjugés, les insultes, les idées-reçues, les non-dits, le tout émane de tous les camps et même de façon intracommunautaire. C'était donc réaliste et sociologiquement pertinent.

🔺SPOILER ALERT🔺

- Le découpage narratif : Si vous voulez mon avis, presque les deux tiers du livre traitent de l'abattement du personnage principal. Je sais que c'est bien gentil de ma part de dire ça mais j'aurais aimé que Starr se batte beaucoup plus tôt. J'avais souvent envie de la secouer pour qu'elle arrête de chialer et qu'elle cesse enfin de se laisser marcher dessus. Après, n'ayant jamais vécu un traumatisme aussi horrible, je ne peux pas juger la longueur et la forme de son deuil. Par contre, d'un point de vue purement narratif, c'était un peu ennuyeux à mon goût.

- Un parti-pris (quand même) : On en arrive à ma plus grosse déception au sujet de ce livre. Où est passé le chapitre sur Cruise bordel? Je veux dire, nous n'avons le point de vue que des opprimés, pourquoi pas celui de l'oppresseur? J'aurais vraiment eu besoin d'avoir son point de vue. En effet il y avait deux possibilités:
a) On se rend compte qu'il regrette son geste, qu'il est en dépression, qu'il se noie dans l'alcool et tout le tintouin donc là je me dis "bon, j'ai pitié de lui"
b) On se rend compte qu'il a adoré mettre 3 balles dans le corps de Khalil, qu'il jubile et qu'il recommencerait bien à l'occasion, eh ben là je me dis : "raclure".
Ce qui m'a posé problème c'est que je n'ai pas pu me positionner à son propos. C'est un personnage fantôme, une silhouette, un meuble qui sert l'action sans vraiment en faire partie. J'ai trouvé ça très manichéen et donc, extrêmement dommage.

En parlant de vision manichéenne des choses: le livre exprime, certainement sans le vouloir, que les flics blancs sont des ratons-laveurs (j'évite les injures, c'est pas beau il paraît) et que les flics noirs par contre, c'est des enfants de chœur. En effet, le seul "bon" flic dans le bouquin c'est Oncle Carlos. Du coup, ça la fout mal quand même. Je ne m'attendais pas à ce genre de message. Je pense que c'est une maladresse mais en tous cas ça m'a déçue.

- Une fin décevante : La leçon de ce bouquin m'a déprimée. En somme, Starr n'obtient rien du tout. J'aurais aimé que ses actes ne soient pas vains, ou du moins qu'elle obtienne une victoire partielle (ex: l'opinion publique pousse les dirigeants à rééxaminer le dossier de Cruise pour envisager une condamnation). Là, on nous dit grossièrement "les méchants gagnent toujours et nous on a plus qu'à continuer à vivre quand même". C'est à la fois une morale honorable (on doit parfois ce contenter de ce qu'on a et continuer à se battre) et en même temps vraiment défaitiste. Pour moi, le bouquin ne trouve pas vraiment de résolution. De plus, on nous assène que les mots sont nos armes : pourquoi ne pas avoir surtout montré que les mots sont des armes EFFICACES?

Voilà ce que j'avais à en dire, j'espère que vous pardonnerez mes propres maladresses s'il y en a eu, ce n'est pas un sujet qui me met à l'aise à la base, donc en parler de façon mesurée et très difficile. J'ai un peu l'impression de marcher sur des œufs en écrivant tout ça. Bref, j'espère que vous me donnerez vous aussi votre avis sur ce chouette bouquin. J'ai beau l'avoir critiqué, il a du potentiel, vraiment.

Bisous, Poppy.

The hate you give / La haine qu'on donne par Angie Thomas
Nathan - 2018 pour la présente édition
Traduction de l'anglais par Nathalie Bru

PS: Je vous souhaite à tous la bienvenue sur mon premier article, et donc, par extension, sur mon blog. Je ne vais pas m'étendre ici sur les raisons qui m'ont poussée à ouvrir ce blog, je pense que j'y reviendrai plus tard, certainement dans un article "Parenthèse".