C'était début décembre, sur le stand Nathan au Festival de Littérature Jeunesse de Rouen. J'ai été attirée par sa couverture, je dois bien l'admettre. A tous ceux qui osent me dire qu'on ne juge pas un livre à sa couverture: vous êtes des menteurs. Le premier contact est souvent visuel. C'est ce qui s'est passé pour ce roman YA. Le titre m'a inspiré, d'autant plus quand j'en ai vraiment compris la signification en lisant le récit. Je me suis aussi bêtement laissé avoir par la mini-critique de John Green, je l'admet. Je suis un mouton. Enfin, parfois.
Je m'attendais, après lecture de la 4ème de couverture, à beaucoup de violence (gangs, drogues), à pleurer (il faut dire qu'avec moi ce n'est pas bien compliqué) et à un certain doigt levé en regard des bavures policières. J'ai eu un peu de tout ça, du coup sur ce point, l'horizon d'attente créé par le résumé était en cohérence avec le livre. Un bon point.
Globalement, j'ai aimé ce livre. Il était bien ficelé, les thèmes abordés passionnants... Mais j'ai quand même un tas de choses à dire, avec ou sans spoiler. Donc, quand je commencerai à révéler certaines choses que vous ne voulez pas forcément savoir si vous n'avez pas lu le livre, j'indiquerai en rouge "SPOILER ALERT". Je pense qu'il en sera ainsi pour toutes les chroniques à venir.
1) L'écriture : Elle a été problématique pour moi. Le style était très familier (ce à quoi il fallait s'attendre) mais ça ne m'a pas convenu, simplement parce que j'aime plutôt les livres écrits dans un langage courant à soutenu. Je trouve que les expressions argotiques étaient parfois assez artificielles et exagérées. On aurait dit ma grand-mère qui essaie de s'exprimer comme les gamins de l'immeuble d'en face. Ça en devenait parfois ridicule. Néanmoins, ça m'a mené à m'interroger sur la qualité de la traduction. Je pense qu'il y a eu quelques écueils. Je ne peux pas en attester n'ayant pas lu la version originale donc je n'ai plus qu'à fermer mon clapet.
2) La mort de Khalil : Étrangement, elle ne m'a arraché aucune larme, ce qui relève de l'exploit avec mon petit cœur tout mou (argh sors de ce corps Olivia!). J'imagine que le fait qu'elle soit racontée de façon aussi neutre, impersonnelle et rapide servait à montrer la sidération du personnage principal. Mais du coup, ça m'a presque fait ni chaud ni froid. Heureusement j'ai eu mon lot de larmes plus tard lors des nombreux flashbacks que contient le récit. Ouf, le business des marchands de mouchoirs est sauvé. D'ailleurs, j'ai adoré le fait que la construction des personnages se fasse au fur et à mesure de l'histoire. Avec le temps, les bouquins qui mettent 115 ans à planter le décor avant que les choses sérieuses commence, ça me fatigue (j'ai pas votre temps moi, monsieur l'écrivain!).
Avant de passer au débat avec spoiler, je tiens à dire que j'ai beaucoup aimé la façon dont le racisme et les préjugés étaient abordés. En fait, pour schématiser grossièrement, on nous montre que "les blancs" ont une image des "noirs" et que "les noirs" ont une image des "blancs" qui est erronée. Vous allez me dire que c'est évident et logique mais j'ai aimé que, sur ce point en tous cas, le livre ne soit pas un parti-pris. Les préjugés, les insultes, les idées-reçues, les non-dits, le tout émane de tous les camps et même de façon intracommunautaire. C'était donc réaliste et sociologiquement pertinent.
🔺SPOILER ALERT🔺
- Le découpage narratif : Si vous voulez mon avis, presque les deux tiers du livre traitent de l'abattement du personnage principal. Je sais que c'est bien gentil de ma part de dire ça mais j'aurais aimé que Starr se batte beaucoup plus tôt. J'avais souvent envie de la secouer pour qu'elle arrête de chialer et qu'elle cesse enfin de se laisser marcher dessus. Après, n'ayant jamais vécu un traumatisme aussi horrible, je ne peux pas juger la longueur et la forme de son deuil. Par contre, d'un point de vue purement narratif, c'était un peu ennuyeux à mon goût.
- Un parti-pris (quand même) : On en arrive à ma plus grosse déception au sujet de ce livre. Où est passé le chapitre sur Cruise bordel? Je veux dire, nous n'avons le point de vue que des opprimés, pourquoi pas celui de l'oppresseur? J'aurais vraiment eu besoin d'avoir son point de vue. En effet il y avait deux possibilités:
a) On se rend compte qu'il regrette son geste, qu'il est en dépression, qu'il se noie dans l'alcool et tout le tintouin donc là je me dis "bon, j'ai pitié de lui"
b) On se rend compte qu'il a adoré mettre 3 balles dans le corps de Khalil, qu'il jubile et qu'il recommencerait bien à l'occasion, eh ben là je me dis : "raclure".
Ce qui m'a posé problème c'est que je n'ai pas pu me positionner à son propos. C'est un personnage fantôme, une silhouette, un meuble qui sert l'action sans vraiment en faire partie. J'ai trouvé ça très manichéen et donc, extrêmement dommage.
En parlant de vision manichéenne des choses: le livre exprime, certainement sans le vouloir, que les flics blancs sont des ratons-laveurs (j'évite les injures, c'est pas beau il paraît) et que les flics noirs par contre, c'est des enfants de chœur. En effet, le seul "bon" flic dans le bouquin c'est Oncle Carlos. Du coup, ça la fout mal quand même. Je ne m'attendais pas à ce genre de message. Je pense que c'est une maladresse mais en tous cas ça m'a déçue.
- Une fin décevante : La leçon de ce bouquin m'a déprimée. En somme, Starr n'obtient rien du tout. J'aurais aimé que ses actes ne soient pas vains, ou du moins qu'elle obtienne une victoire partielle (ex: l'opinion publique pousse les dirigeants à rééxaminer le dossier de Cruise pour envisager une condamnation). Là, on nous dit grossièrement "les méchants gagnent toujours et nous on a plus qu'à continuer à vivre quand même". C'est à la fois une morale honorable (on doit parfois ce contenter de ce qu'on a et continuer à se battre) et en même temps vraiment défaitiste. Pour moi, le bouquin ne trouve pas vraiment de résolution. De plus, on nous assène que les mots sont nos armes : pourquoi ne pas avoir surtout montré que les mots sont des armes EFFICACES?
Voilà ce que j'avais à en dire, j'espère que vous pardonnerez mes propres maladresses s'il y en a eu, ce n'est pas un sujet qui me met à l'aise à la base, donc en parler de façon mesurée et très difficile. J'ai un peu l'impression de marcher sur des œufs en écrivant tout ça. Bref, j'espère que vous me donnerez vous aussi votre avis sur ce chouette bouquin. J'ai beau l'avoir critiqué, il a du potentiel, vraiment.
Bisous, Poppy.
The hate you give / La haine qu'on donne par Angie Thomas
Nathan - 2018 pour la présente édition
Traduction de l'anglais par Nathalie Bru
PS: Je vous souhaite à tous la bienvenue sur mon premier article, et donc, par extension, sur mon blog. Je ne vais pas m'étendre ici sur les raisons qui m'ont poussée à ouvrir ce blog, je pense que j'y reviendrai plus tard, certainement dans un article "Parenthèse".

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